Indemnisation des congés annuels non pris pour raison de santé en cas de fin de la relation de travail dans la fonction publique

Perrine Athon-Perez • 5 juin 2025

La réparation des préjudices nés d'une maladie ou d'un accident imputable au service

Le droit à congé annuel est un principe fondamental du droit du travail, garanti également dans la fonction publique. Pourtant, certains agents publics – fonctionnaires comme contractuels – peuvent se retrouver dans l’impossibilité de prendre leurs congés, notamment en raison d’un arrêt de travail pour motif médical. En cas de cessation de la relation de travail, la question de l’indemnisation de ces congés non pris se pose avec acuité.


Depuis quelques années, les règles de l’indemnisation se précisent à la faveur de la jurisprudence administrative et le Conseil d’Etat est encore venu poser une limite très récemment, dans son arrêt du 4 avril 2025 (CE, 3e et 8e ch. réunies, 4 avr. 2025, n° 487840, Lebon T.).


Le présent article vise à exposer les règles applicables en matière d’indemnisation des congés annuels non pris pour raison de santé à la lumière du droit européen, de la jurisprudence administrative et des textes régissant les trois versants de la fonction publique.



1. Absence de cadre légal pour les fonctionnaires mais un principe dégagé par le juge administratif


Aucun texte législatif ou réglementaire commun aux trois fonctions publiques ne prévoit expressément l’indemnisation des congés annuels non pris pour les fonctionnaires titulaires. Néanmoins, plusieurs décrets encadrent ce droit pour les agents contractuels dans chaque versant :

  • Fonction publique de l’État : décret n° 86-83 du 17 janvier 1986, art. 10 ;
  • Fonction publique territoriale : décret n° 88-145 du 15 février 1988, art. 5 ;
  • Fonction publique hospitalière : décret n° 91-155 du 6 février 1991, art. 8.

Ces textes permettent, sous conditions, l’indemnisation des congés annuels non pris à la fin du contrat.

Pour les fonctionnaires, c’est essentiellement la jurisprudence administrative, influencée par le droit européen (directive 2003/88/CE, art. 7 § 2), qui fonde ce droit à indemnisation. En effet, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que les congés non pris pour des raisons de santé doivent être indemnisés lors de la cessation de la relation de travail (CJUE, 20 janv. 2009, aff. C-350/06 et C-520/06).



2. Situations ouvrant droit à une indemnité compensatrice de congés annuels


Le Conseil d’État, les juridictions administratives et la CJUE ont reconnu ce droit dans les situations suivantes :

  • Départ à la retraite (y compris pour invalidité) (TA Orléans n°1201232 du 21 janvier 2014 ; TA Amiens n°1401716 du 30 janvier 2015 ; CAA Paris n°15PA00448CAA du 31 juillet 2015 ; CAA Bordeaux n° 14BX03684 du 13 juillet 2017 ; CE, 22 juin, n°443053);
  • Licenciement pour inaptitude physique (CAA Nantes n°12T00291 du 06 juin 2013.) ;
  • Fin de contrat ou démission (CJUE, 20 juillet 2016 Aff. n° C-341/15);
  • Mutation ou changement d’employeur public (dans certains cas : CE, 7 déc. 2015, n° 371517) ;
  • Décès de l’agent, au bénéfice des ayants droit (CJUE, 6 nov. 2018, aff. C-569/16 et C-570/16).

En revanche, l’indemnisation est exclue en cas de cessation pour des motifs disciplinaires tels que la révocation, la radiation des cadres pour abandon de poste, ou la mise à la retraite d’office.



3. Conditions d’ouverture du droit à indemnisation


Deux conditions doivent être réunies :

  • La fin de la relation de travail.
  • L’impossibilité de prendre les congés annuels, pour raison de santé.

Il n’est pas exigé que l’agent ait formulé une demande de congés : il suffit qu’il ait été empêché de les prendre. L’administration doit démontrer qu’elle a mis l’agent en mesure de le faire et l’a informé du risque de perte.



4. Limites de l’indemnisation


Conformément à la jurisprudence européenne et nationale (CE, 22 juin 2022, n° 443053), l’indemnisation est limitée à :

  • 20 jours de congés par année civile (correspondant au droit minimum européen de quatre semaines),
  • Sur une période de report de 15 mois à compter de la fin de l’année de référence (CJUE, 22 sept. 2022, aff. C-120/21).


Attention, la démarche peut être engagée dans un délai supérieur à 15 mois après la fin de la relation de travail (application de la prescription quadriennale). Le Conseil d’Etat a en effet très récemment jugé que le délai dans lequel l’action peut être engagé ne doit pas être confondu avec la période de droit au report (15 mois) et que le droit à l’indemnité est apprécié à la date de la fin de la relation de travail (CE, 3e et 8e ch. réunies, 4 avr. 2025, n° 487840, Lebon T.)



5. Modalités de calcul de l’indemnité


Aucun barème réglementaire spécifique n’existe pour les fonctionnaires.

Toutefois, l’indemnité ne peut être inférieure à la rémunération journalière nette que l’agent aurait perçue s’il avait pris son congé (CAA Bordeaux, 13 juill. 2017, n° 15BX00490 ; CAA Nancy, 21 juill. 2022, n° 21NC00063).



Conclusion

L’indemnisation des congés annuels non pris pour des raisons de santé, lors de la cessation de la relation de travail, est désormais reconnue pour tous les agents publics. Si les textes réglementaires restent incomplets pour les fonctionnaires titulaires, le droit européen et la jurisprudence garantissent l’effectivité de ce droit, sous conditions strictes. En pratique il appartient à l’agent qui n’aurait pas pu prendre ses congés pour raison de santé avant d’être radié des cadres de formuler une demande d’indemnisation à son administration. A ce jour, le droit à indemnisation n’est en effet pas encore proposé spontanément par les administrations employeurs.



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Dans la vie de l’entreprise ou du travailleur indépendant, il est fréquent de devoir fournir à ses clients une attestation de vigilance. En principe, celui-ci est obligé de la demander à son prestataire lors de la conclusion du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution. On rappellera, à toutes fins utiles que cette obligation s’impose pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 €HT qui porte sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce (contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux). On le sait, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) est en litige avec l’URSSAF, il est fréquent qu’elle (il) se voit opposer par la Caisse un refus de délivrer une attestation de vigilance . Or cette situation n’est pas toujours normale . Trop d’entrepreneur l’ignorent mais le code de la sécurité sociale prévoit que l’URSSAF est tenue de délivrer l’attestation, même lorsqu’il y a un arriéré de cotisations non payées, dès lors que l’entreprise (ou le travailleur indépendant) en conteste le montant par recours contentieux. En somme, lorsque l’intéressé a porté son litige devant une juridiction, l’URSSAF n’a pas le droit de lui refuser la délivrance de l’attestation. Attention , il faut quand même prendre en compte deux points : Pour que l’attestation puisse être délivrée en cas d’impayé de cotisations, il faut que l’ensemble des cotisations impayées fasse l’objet d’un recours, et pas seulement une partie. Par ailleurs, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) a fait l’objet d’une verbalisation pour travail dissimulé transmise au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée tant qu’elle (il) n’a pas payé les cotisations et contributions dues suite au chiffrage résultant de la verbalisation pour travail dissimulé. Conseils : En cas de refus d’attestation de vigilance, il est vivement recommandé de demander au préalable à l’URSSAF le motif de ce refus. Il est en effet rarement donné d’emblée. Si l’URSSAF ne défère pas à cette demande de motivation ou s’il s’avère que le refus est motivé par des cotisations impayées discutées devant un tribunal judiciaire, il est possible de contester la décision de l’URSSAF en formulant un recours écrit qui peut être envoyé par lettre recommandé avec accusé de réception et/ou via l’espace en ligne de l’URSSAF. Enfin si l’URSSAF persiste à refuser de délivrer l’attestation, le recours peut être porté devant le tribunal judiciaire en ajoutant éventuellement une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du refus illégal. Attention, avant de saisir le Tribunal, il peut être utile de prendre conseil auprès d’un avocat pour vérifier les chances de succès de l’action et les modalités du montage du dossier. Droit applicable : Articles L243-15 du code de la sécurité sociale
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Si un huissier vous a signifié une contrainte délivrée par l’URSSAF ou par un organisme social, vous devez réagir très vite. En effet, en cas de contestation de la somme réclamée dans la contrainte, vous disposez d’un délai de 15 jours pour faire le nécessaire. Dans ce délai, vous devrez : - Vérifier si la somme réclamée est fondée et suffisamment expliquée par la caisse. - Vérifier si, préalablement à la contrainte, l’URSSAF ou l’organisme de sécurité sociale vous a adressé une mise en demeure. - Vérifier si les cotisations réclamées ne sont pas prescrites. Si, vous décelez une ou plusieurs anomalies (d’après la liste énumérée ci-avant), vous avez tout intérêt à former une opposition à la contrainte. Cette démarche consiste à saisir le pôle social du tribunal judiciaire dont vous dépendez (en principe il est indiqué sur le courrier que l’huissier vous a remis) d’un acte de contestation de la contrainte. Une fois saisi, le recouvrement de la dette est suspendu jusqu’au jugement que rendra le tribunal judiciaire. Attention : l’opposition à contrainte doit être motivée sinon elle est irrecevable. Également, il faut bien penser à joindre une copie de l’acte remis par l’huissier. Conseils : o Il est vivement recommandé de former opposition à contrainte via une lettre recommandée avec accusé réception et d’en conserver une copie. Si l’huissier venait à poursuivre l’opération de recouvrement (via une saisie sur vos comptes par exemple), il vous faudra prouver que vous avez saisi le tribunal pour suspendre ses actions. o Une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut être utile de tenter de régulariser la situation avec l’URSSAF en parallèle de la procédure d’opposition à contrainte afin de faire avancer la situation plus rapidement. o Une contrainte délivrée par l’URSSAF s’inscrit souvent dans une situation de conflit plus large avec l’organisme. Les délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations sociales sont facilement prorogeables et des sommes, mêmes très anciennes, peuvent peut-être encore vous être réclamées. Afin d’éviter d’aggraver la situation, par les majorations de retard notamment, il est vraiment préférable d’opter pour une stratégie d’assainissement en procédant à un examen global de celle-ci. Plus vous repoussez les échéances, moins vous avez de chances, à terme, d’obtenir des remises de pénalités ou des délais de paiement si nécessaire. Droit applicable : Articles L244-9 et suivants du code de la sécurité sociale Articles R133-3 et suivants du code de la sécurité sociale Cour de cassation, chambre civile 1, 28 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-29776
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