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Imputabilité au service d'un syndrome dépressif

Perrine Athon-Perez • avr. 03, 2019

Imputabilité au service d'un syndrome dépressif
Agent public : la démonstration de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif.

Dans un arrêt du 13 mars 2019, le Conseil d’Etat a saisi l’opportunité qui lui était offerte par un agent public de préciser les critères de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une pathologie psychique -un syndrome dépressif sévère en l’espèce.
Imputabilité au service d'un syndrome dépressif
Madame A., attachée territoriale chargée depuis le 1er septembre 1988 de la direction d’un EHPAD, a sollicité la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un syndrome dépressif sévère médicalement constaté en juin 2013.
Ce syndrome est apparu dans un contexte de con<it avéré avec les responsables de sa collectivité de rattachement. Avant le diagnostic de sa pathologie, elle avait en outre subi deux sanctions disciplinaires successives dont la dernière consistait en une exclusion temporaire de fonctions d’une durée de six mois dont trois mois avec sursis.
Par décision du 31 juillet 2014, l’employeur a refusé de faire droit à cette demande de reconnaissance d’imputabilité de l’intéressée. Celle-ci ayant saisi la justice de cette a3aire, par un jugement du 3 février 2016, le tribunal administratif de Nantes a annulé cette décision et jugé la maladie de l’intéressée imputable au service. Mais, par un arrêt du 9 décembre 2016, la cour administrative d'appel de Nantes a annulé ce jugement et rejeté la demande (CAA Nantes, 9 décembre 2016, n° 16NT01106 N° Lexbase : A8620SXK). C’est en cet état que le Conseil d’Etat était saisi de l’affaire de Mme A.
L’arrêt commenté est intéressant à double titre, d’abord en ce qu’il précise les critères d’analyse de la reconnaissance de l’imputabilité au service d’un syndrome dépressif, ensuite en ce qu’il en exclut la notion d’intention fautive de l’administration employeur.

I - Rappel des principes en matière de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie

En droit de la fonction publique, la reconnaissance du lien entre une maladie et les conditions de travail de l’agent est guidée par un premier critère : l’application d’une présomption d’imputabilité à certaines pathologies, celles dites «maladies
professionnelles».
Ce n’est que depuis 2017 [1] que le statut général des fonctionnaires prévoit l’application de la présomption d’imputabilité au service pour les demandes de reconnaissance concernant les maladies désignées par les tableaux de maladies
professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 (N° Lexbase : L8868LHW) et suivants du code de la Sécurité sociale [2].
Si cette avancée dans le régime de la maladie professionnelle des fonctionnaires est considérable, elle n’intéresse pas les agents qui souhaitent faire reconnaitre l’imputabilité au service d’une pathologie psychiques (dépression sévère, état dépressif réactionnel, stress post-traumatique…) puisque ce type de maladie n’est pas répertorié par le code de la sécurité sociale.

Dans l’affaire dont était saisi le Conseil d’Etat, il n’y avait donc pas lieu d’appliquer cette présomption d’imputabilité.
Néanmoins, on sait qu’une maladie non répertoriée aux tableaux des maladies professionnelles peut être reconnue comme étant imputable au service. Dans cette hypothèse, qui est celle qui nous intéresse, l’article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 susvisé dispose aujourd’hui :
«Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du Code de la Sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses
ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat».
C’est donc à l’agent de faire la démonstration que la pathologie dont il sou3re est «essentiellement et directement causée par l’exercice des fonctions».
A ce stade, même si l’arrêt du 13 mars 2019 concerne une maladie, il est intéressant de relever que la même disposition du statut des fonctionnaires [3] prévoit, concernant l’accident, une présomption d’imputabilité au service si la survenance du fait brutal a lieu en service et «en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant l'accident
du service». Le lecteur aura compris que cette hypothèse de «faute personnelle» ou de «circonstance particulière» permettant
d’exclure l’imputabilité d’un accident n’a pas été prévue dans l’ordonnance de 2017 qui est venu redéfinir l’imputabilité au service.

II - Sur la reconnaissance d’un syndrome dépressif imputable en droit de la fonction publique

S’agissant du syndrome dépressif, il convient de rappeler qu’il est largement admis en tant que maladie imputable au service.
Plusieurs indices ressortent de la jurisprudence pour déterminer si l’affection psychique est imputable : la présence d’antécédents, d’une personnalité fragile, et «des circonstances particulières tenant à des conditions de travail susceptibles d’avoir occasionné la maladie». Mais, l’exercice de la recherche de causalité entre une maladie et les conditions de travail est aussi ardu que la jurisprudence est disparate.

III- Sur le premier apport de l’arrêt : une meilleure définition de l’imputabilité au service

Aussi, il faut bien reconnaître à l’arrêt ici commenté d’avoir donné une définition -un peu- plus précise de l’imputabilité au
service :
«Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service».
En comparaison avec la définition retenue par l’ordonnance de 2017 susvisée, on relève d’emblée que le Conseil d’Etat procède à un élargissement du champ des possibles. En effet, il adjoint à la notion de «lien direct avec l’exercice des fonctions», l’hypothèse de «conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause». Cela fait écho aux conclusions de Laurent Cytermann, Rapporteur public sur cet arrêt, qui proposait à la formation de jugement l’approche commune dans le secteur privé : «pour qu’une maladie psychique soit reconnue comme une maladie professionnelle, il fautque le contexte professionnel soit pathogène».

En outre, le Conseil d’Etat procède à un rééquilibrage entre le régime de l’imputabilité de la maladie et celui de l’accident.
Comme exposé auparavant, la notion de fait personnel de l’agent ou de circonstance particulière conduisant à détacher la maladie du service n’était prévue par la réglementation en vigueur que pour l’accident.
On ne peut s’empêcher de remarquer néanmoins que le Conseil d’Etat n’a pas retenu la notion de «faute personnelle» comme le prévoit la loi pour l’accident de service mais celui de «fait personnel de l’agent». On pourrait légitimement s’interroger sur l’impact de ce choix dans la future prise en considération du comportement de l’agent. Les conclusions du Rapporteur public se veulent plutôt rassurantes puisque ce dernier proposait d’analyser au cas par cas «si une faute ou un fait de l’agent a contribué à sa maladie et, si c’est le cas, d’examiner s’il est exorbitant du service».

IV- Sur le deuxième apport de l’arrêt : l’exclusion de la recherche d’une intention de nuire à l’agent

Enfin, un autre apport -tout aussi significatif- de cet arrêt concerne la clarification relative à la caractérisation d’une faute de l’administration :
«la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit, dès lors qu'il appartient au juge d'apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l'absence de volonté délibérée de nuire à l'agent, être regardées comme étant directement à l'origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée».
Le Rapporteur public le rappelait : le régime de responsabilité en la matière est bien celui du risque professionnel et non celui de la faute. Dès lors, si le Conseil d’Etat affirme que des circonstances particulières (ou un fait de l’agent) peuvent conduire à exclure l’imputabilité au service d’une maladie, il considère avec fermeté qu’aucune volonté de nuire de l’administration n’est à rechercher pour déterminer si les conditions de travail peuvent être pathogènes.
C’est d’ailleurs ce motif qui a conduit l’arrêt de la cour administrative d’appel tout droit vers l’annulation : certes, Mme A. n’était pas étrangère à la création de l’environnement de travail anxiogène à l’origine de sa maladie mais la cour n’avait pas à exclure l’imputabilité au service en raison de l’absence de volonté de l’administration de porter atteinte à ses droits.
Cet apport est loin d’être anodin. Tout comme elle a -difficilement- été écartée de la grille d’analyse du harcèlement moral, l’intention de nuire est maintenant officiellement hors sujet s’agissant de la démonstration de l’imputabilité. Même si c’est une évidence, il est heureux que cette notion soit clairement exclue dans une discussion qui consiste à trouver l’origine d’une maladie. L’intention de nuire n’a effectivement rien à y faire. Désormais, seuls le fait de l’agent ou la circonstance particulière de nature à détacher la maladie pourront exclure l’imputabilité au service.
par Perrine Athon-Perez 22 mars, 2024
Dans la vie de l’entreprise ou du travailleur indépendant, il est fréquent de devoir fournir à ses clients une attestation de vigilance. En principe, celui-ci est obligé de la demander à son prestataire lors de la conclusion du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution. On rappellera, à toutes fins utiles que cette obligation s’impose pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 €HT qui porte sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce (contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux). On le sait, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) est en litige avec l’URSSAF, il est fréquent qu’elle (il) se voit opposer par la Caisse un refus de délivrer une attestation de vigilance . Or cette situation n’est pas toujours normale . Trop d’entrepreneur l’ignorent mais le code de la sécurité sociale prévoit que l’URSSAF est tenue de délivrer l’attestation, même lorsqu’il y a un arriéré de cotisations non payées, dès lors que l’entreprise (ou le travailleur indépendant) en conteste le montant par recours contentieux. En somme, lorsque l’intéressé a porté son litige devant une juridiction, l’URSSAF n’a pas le droit de lui refuser la délivrance de l’attestation. Attention , il faut quand même prendre en compte deux points : Pour que l’attestation puisse être délivrée en cas d’impayé de cotisations, il faut que l’ensemble des cotisations impayées fasse l’objet d’un recours, et pas seulement une partie. Par ailleurs, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) a fait l’objet d’une verbalisation pour travail dissimulé transmise au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée tant qu’elle (il) n’a pas payé les cotisations et contributions dues suite au chiffrage résultant de la verbalisation pour travail dissimulé. Conseils : En cas de refus d’attestation de vigilance, il est vivement recommandé de demander au préalable à l’URSSAF le motif de ce refus. Il est en effet rarement donné d’emblée. Si l’URSSAF ne défère pas à cette demande de motivation ou s’il s’avère que le refus est motivé par des cotisations impayées discutées devant un tribunal judiciaire, il est possible de contester la décision de l’URSSAF en formulant un recours écrit qui peut être envoyé par lettre recommandé avec accusé de réception et/ou via l’espace en ligne de l’URSSAF. Enfin si l’URSSAF persiste à refuser de délivrer l’attestation, le recours peut être porté devant le tribunal judiciaire en ajoutant éventuellement une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du refus illégal. Attention, avant de saisir le Tribunal, il peut être utile de prendre conseil auprès d’un avocat pour vérifier les chances de succès de l’action et les modalités du montage du dossier. Droit applicable : Articles L243-15 du code de la sécurité sociale
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Si un huissier vous a signifié une contrainte délivrée par l’URSSAF ou par un organisme social, vous devez réagir très vite. En effet, en cas de contestation de la somme réclamée dans la contrainte, vous disposez d’un délai de 15 jours pour faire le nécessaire. Dans ce délai, vous devrez : - Vérifier si la somme réclamée est fondée et suffisamment expliquée par la caisse. - Vérifier si, préalablement à la contrainte, l’URSSAF ou l’organisme de sécurité sociale vous a adressé une mise en demeure. - Vérifier si les cotisations réclamées ne sont pas prescrites. Si, vous décelez une ou plusieurs anomalies (d’après la liste énumérée ci-avant), vous avez tout intérêt à former une opposition à la contrainte. Cette démarche consiste à saisir le pôle social du tribunal judiciaire dont vous dépendez (en principe il est indiqué sur le courrier que l’huissier vous a remis) d’un acte de contestation de la contrainte. Une fois saisi, le recouvrement de la dette est suspendu jusqu’au jugement que rendra le tribunal judiciaire. Attention : l’opposition à contrainte doit être motivée sinon elle est irrecevable. Également, il faut bien penser à joindre une copie de l’acte remis par l’huissier. Conseils : o Il est vivement recommandé de former opposition à contrainte via une lettre recommandée avec accusé réception et d’en conserver une copie. Si l’huissier venait à poursuivre l’opération de recouvrement (via une saisie sur vos comptes par exemple), il vous faudra prouver que vous avez saisi le tribunal pour suspendre ses actions. o Une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut être utile de tenter de régulariser la situation avec l’URSSAF en parallèle de la procédure d’opposition à contrainte afin de faire avancer la situation plus rapidement. o Une contrainte délivrée par l’URSSAF s’inscrit souvent dans une situation de conflit plus large avec l’organisme. Les délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations sociales sont facilement prorogeables et des sommes, mêmes très anciennes, peuvent peut-être encore vous être réclamées. Afin d’éviter d’aggraver la situation, par les majorations de retard notamment, il est vraiment préférable d’opter pour une stratégie d’assainissement en procédant à un examen global de celle-ci. Plus vous repoussez les échéances, moins vous avez de chances, à terme, d’obtenir des remises de pénalités ou des délais de paiement si nécessaire. Droit applicable : Articles L244-9 et suivants du code de la sécurité sociale Articles R133-3 et suivants du code de la sécurité sociale Cour de cassation, chambre civile 1, 28 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-29776
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Mettez un terme à vos difficultés avec les organismes sociaux (URSSAF, CARMF, MSA, CIPAV…)
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