Mise en page du blog

Cumul d'activités et Agents publics (fonctionnaires et contractuels)

Me Perrine ATHON PEREZ et Me Mathilde ACHARD • juil. 19, 2020

Nombre d’agents publics (fonctionnaires et agents contractuels) ont l’opportunité, tout à long de leurs carrières, d’exercer une activité en parallèle de leur service. Tantôt, il s’agit simplement d’exercer à titre libéral le même métier que celui qu’ils exercent pour l’institution publique (les professions paramédicales par exemple), tantôt il s’agit de faire tout autre chose.
Il est recommandé à ces agents de redoubler de vigilance : le régime du cumul d’activités est très strict et les sanctions attachés à sa violations sont lourdes.


1. Un principe : l’interdiction du cumul d’activités

L’agent public a pour obligation déontologique de consacrer l’intégralité de son activité professionnelle à la réalisation des tâches qui lui sont confiées. Il ne peut donc, en principe, aux termes de l’article 25 septies de la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, cumuler son activité avec une activité privée lucrative. En revanche, une activité bénévole pour une personne publique ou privée à but non lucratif s’exerce librement. 

Attention toutefois, la jurisprudence a précisé que, même si une activité privée ne dégage pas de rémunération, elle peut présenter un caractère lucratif (Voir notamment Conseil d'Etat, 8 octobre 1990, n°107762 ou Conseil d'État, 15 décembre 2000, n° 148080). 

L’article 25 septies précité fixe la liste les activités interdites à savoir : créer ou reprendre une entreprise, participer aux organes de direction de sociétés ou d'associations à but lucratif, donner des consultations, procéder à des expertises ou plaider en justice dans des litiges intéressant une personne publique, prendre ou détenir des intérêts dans une entreprise en lien avec son administration employeur ou plus largement, de cumuler son emploi à temps complet avec un ou plusieurs autres emplois permanents à temps complet.

Il est aussi précisé que les règles relatives au cumul d’activités s’appliquent de plein droit aux agents non titulaires de la fonction publique et le décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques dans la fonction publique leur étend explicitement son champ d’application. Bien souvent le contrat de l’agent stipule qu’il s’engage à respecter la réglementation relative au cumul d’activités. 

2. De multiples exceptions en fonction du temps de travail de l’agent et du type d’activité 

Comme tout principe, celui-ci souffre d’exceptions prévues à l’article précité 25 septies II, III et IV et que l’on peut regrouper sous trois régimes : le régime de la déclaration, le régime plus contraignant de l’autorisation et l’exercice libre. 

Tout d’abord, après une simple déclaration à son autorité hiérarchique, le dirigeant d'une société ou d'une association à but lucratif peut, s’il a réussi un concours de la fonction publique ou été recruté en qualité d'agent contractuel de droit public, continuer à exercer son activité pendant une durée d'un an, renouvelable une fois, à compter de son recrutement. De même, relève de ce régime déclaratif le fonctionnaire ou l'agent contractuel de droit privé qui occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée de travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail. 

Conformément aux articles 6 et suivants du Décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 relatif aux contrôles déontologiques, ces activités soumises à simple déclaration doivent être compatibles avec le service de l’agent (ils définissent aussi la forme et le contenu de la déclaration). Dans le cas contraire, l’autorité peut dans l’intérêt du service s’opposer au cumul, en vertu de l’article 17 de ce même décret. 

Attention, le temps partiel et le temps non complet ou incomplet sont deux notions distinctes. En effet, quand le premier est voulu par l’agent pour une durée spécifique, le second s’applique à un emploi créé pour une durée inférieure à la durée légale ou réglementaire de travail. La fonction publique d’Etat utilise le terme « temps incomplet » (article 6 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984) et les fonctions publiques territoriale et hospitalière se réfèrent, elles, à la notion de « temps non complet » (articles 104 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 et 107 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986). 

Tous les autres cas, relèvent du régime de l’autorisation

En effet, sur demande écrite et après y avoir été autorisé, le fonctionnaire peut accomplir son service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et exercer, à ce titre, une activité privée lucrative. Ce travail à temps partiel ne peut être inférieur à un mi-temps et peut être refusé en raison des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d'aménagement de l'organisation du travail. Il est accordé pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d'un an, à compter de la création ou de la reprise de l’entreprise. L’agent qui bénéficie d’un temps partiel pour création ou reprise d’entreprise ne peut obtenir, dans les trois ans qui suivent la fin de cette période, une nouvelle autorisation. 

En cas d’incompatibilité entre les fonctions de l’agent et son projet entrepreneurial, l’administration peut saisir pour avis son référent déontologue, puis la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATPV). 

Toujours sur autorisation, le fonctionnaire peut exercer une activité accessoire auprès d'une personne publique ou privée dès lors que cette activité est compatible avec les fonctions qui lui sont confiées et n'affecte pas son service. La Loi ne définit pas expressément l’activité accessoire mais on comprend que, celle-ci devant obligatoirement s’exercer hors de heures de service. 

En outre, le législateur se réfère à des décrets en Conseil d’Etat afin de fixer la liste des activités accessoires. Ainsi, l’article 11 du décret n° 2020-69 du 30 janvier 2020 les énumère et l’on retrouve notamment des activités d’enseignement et formation, d’expertise et consultation dans des litiges qui n’intéressent pas une personne publique, ou encore des activités agricoles ou à caractère sportif ou culturel.  

L’autorisation doit être sollicitée par écrit en respectant le formalisme prévu à l’article 12 du décret précité. A défaut de réponse de la part de l’autorité hiérarchique dans le délai d’un mois, la demande est réputée rejetée. Une fois autorisée, si des changements substantiels interviennent dans les conditions d'exercice ou de rémunération de l’activité accessoire, une nouvelle demande d’autorisation doit être sollicitée.

Au même titre qu’une activité bénévole, la production d’œuvres de l’esprit, tant qu’elle respecte le devoir de discrétion et le secret professionnel, et l’exercice libéral, par des membres du personnel enseignant, technique et scientifique d’un établissement d’enseignement, d’activités qui découlent de la nature de leur fonction, sont libres.  

Pour résumer, un agent qui souhaiterait exercer en dehors de son service, une activité lucrative non interdite doit se demander si son emploi est à temps incomplet ou non complet et définir précisément le type d’activité qu’il souhaite exercer pour déterminer quelle obligation s’impose à lui. Il entrera alors dans l’une de ses catégories : 
-L’exercice libre : 
• Toute activité bénévole pour une personne publique ou privée à but non lucratif
• La production des œuvres de l’esprit sous réserve de plusieurs principes
• L’exercice libéral par les membres des personnels enseignant, technique et scientifique des établissements d’enseignement d’une activité qui découle de la nature de leurs fonctions 
-Le régime de la déclaration : 
• Le dirigeant d’une société à but lucratif durant sa première année en tant qu’agent public
• Le fonctionnaire ou l'agent contractuel de droit privé qui occupe un emploi permanent à temps non complet ou incomplet d’une durée inférieure ou égale à 70 % du temps de travail
-Le régime de l’autorisation :
• La création ou la reprise d’une entreprise en fonction des nécessités de service si l’agent demande à bénéficier d’un temps partiel d’au moins 50% du temps de travail 
• L’exercice d’une activité accessoire en dehors des heures de service

3.Les sanctions pénale, financière et disciplinaire au cumul d’activités illégal 

Un agent qui ne respecterait pas les règles relatives au cumul d’activités s’expose, avant tout, au reversement des sommes perçues au titre de l’activité interdite. Cette possibilité prévue au VI de l’article 25 septies précité ne constitue pas une sanction (Conseil d'État, 16 janvier 2006, n°272648) et peut donc s’ajouter à l’engagement d’une procédure disciplinaire (CAA de MARSEILLE, 29 novembre 2011, n° 09MA04043).

En effet, l’interdiction de cumul étant une obligation déontologique, tout exercice d’une activité en parallèle du service de l’agent sans autorisation ou déclaration préalable peut faire l’objet d’une sanction, voire même d’une révocation (CAA de PARIS, 21 janvier 2020, n°18PA02767). 
D’un point de vue jurisprudentiel, il a été reconnu qu’une personne suspendue illégalement de ses fonctions, si elle conservait bien un lien avec son service, elle était néanmoins dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions et n’était, de ce fait, pas obligée de solliciter d’autorisation afin de s’inscrire à un institut de formation (CAA de BORDEAUX, 23 octobre 2012, n°11BX02664). Sur la charge de la preuve, il est aussi intéressant de noter que le rapport d’un détective privé établissant le cumul d’activités n’est pas considéré par le juge administratif comme un moyen de preuve déloyal. Il est donc recevable (Conseil d'État, 16 juillet 2014, n°355201). 

Enfin, des poursuites pénales sont possibles en application de l’article 432-12 du code pénal . C’est l’infraction de prise illégale d’intérêts qui interdit aux agents publics « de prendre, recevoir ou conserver, directement ou indirectement, un intérêt quelconque dans une entreprise ou dans une opération dont elle a, au moment de l'acte, en tout ou partie, la charge d'assurer la surveillance, l'administration, la liquidation ou le paiement ». Ce délit est puni de 5 ans de prison et de 500 00 euros d’amende. 


Récemment, le juge administratif a considéré que la violation par l’agent des règles de cumul d’activités ne pouvait fonder le refus de renouvellement du contrat à durée déterminée, faute pour l’administration de démontrer que l’activité privée « [ne lui] aurait pas permis de remplir ses obligations de service de manière satisfaisante dans la journée ou aurait eu des répercussions sur sa capacité à assurer les astreintes auxquelles il était soumis « (Conseil d’Etat, 19 décembre 2019, n°423685).
On comprend aussi à la lecture d’un récent arrêt que le juge examine précisément les circonstances de l’activité privée afin de déterminer si elle doit faire l’objet d’une autorisation. Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, le juge reconnait que l’activité nécessitait l’obtention d’une autorisation mais considère, néanmoins, que la mise à la retraite d’office infligée à l’agent est une sanction disproportionnée (CAA de MARSEILLE, 16 juin 2020, n°18MA04103). 

par Perrine Athon-Perez 22 mars, 2024
Dans la vie de l’entreprise ou du travailleur indépendant, il est fréquent de devoir fournir à ses clients une attestation de vigilance. En principe, celui-ci est obligé de la demander à son prestataire lors de la conclusion du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution. On rappellera, à toutes fins utiles que cette obligation s’impose pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 €HT qui porte sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce (contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux). On le sait, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) est en litige avec l’URSSAF, il est fréquent qu’elle (il) se voit opposer par la Caisse un refus de délivrer une attestation de vigilance . Or cette situation n’est pas toujours normale . Trop d’entrepreneur l’ignorent mais le code de la sécurité sociale prévoit que l’URSSAF est tenue de délivrer l’attestation, même lorsqu’il y a un arriéré de cotisations non payées, dès lors que l’entreprise (ou le travailleur indépendant) en conteste le montant par recours contentieux. En somme, lorsque l’intéressé a porté son litige devant une juridiction, l’URSSAF n’a pas le droit de lui refuser la délivrance de l’attestation. Attention , il faut quand même prendre en compte deux points : Pour que l’attestation puisse être délivrée en cas d’impayé de cotisations, il faut que l’ensemble des cotisations impayées fasse l’objet d’un recours, et pas seulement une partie. Par ailleurs, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) a fait l’objet d’une verbalisation pour travail dissimulé transmise au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée tant qu’elle (il) n’a pas payé les cotisations et contributions dues suite au chiffrage résultant de la verbalisation pour travail dissimulé. Conseils : En cas de refus d’attestation de vigilance, il est vivement recommandé de demander au préalable à l’URSSAF le motif de ce refus. Il est en effet rarement donné d’emblée. Si l’URSSAF ne défère pas à cette demande de motivation ou s’il s’avère que le refus est motivé par des cotisations impayées discutées devant un tribunal judiciaire, il est possible de contester la décision de l’URSSAF en formulant un recours écrit qui peut être envoyé par lettre recommandé avec accusé de réception et/ou via l’espace en ligne de l’URSSAF. Enfin si l’URSSAF persiste à refuser de délivrer l’attestation, le recours peut être porté devant le tribunal judiciaire en ajoutant éventuellement une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du refus illégal. Attention, avant de saisir le Tribunal, il peut être utile de prendre conseil auprès d’un avocat pour vérifier les chances de succès de l’action et les modalités du montage du dossier. Droit applicable : Articles L243-15 du code de la sécurité sociale
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Si un huissier vous a signifié une contrainte délivrée par l’URSSAF ou par un organisme social, vous devez réagir très vite. En effet, en cas de contestation de la somme réclamée dans la contrainte, vous disposez d’un délai de 15 jours pour faire le nécessaire. Dans ce délai, vous devrez : - Vérifier si la somme réclamée est fondée et suffisamment expliquée par la caisse. - Vérifier si, préalablement à la contrainte, l’URSSAF ou l’organisme de sécurité sociale vous a adressé une mise en demeure. - Vérifier si les cotisations réclamées ne sont pas prescrites. Si, vous décelez une ou plusieurs anomalies (d’après la liste énumérée ci-avant), vous avez tout intérêt à former une opposition à la contrainte. Cette démarche consiste à saisir le pôle social du tribunal judiciaire dont vous dépendez (en principe il est indiqué sur le courrier que l’huissier vous a remis) d’un acte de contestation de la contrainte. Une fois saisi, le recouvrement de la dette est suspendu jusqu’au jugement que rendra le tribunal judiciaire. Attention : l’opposition à contrainte doit être motivée sinon elle est irrecevable. Également, il faut bien penser à joindre une copie de l’acte remis par l’huissier. Conseils : o Il est vivement recommandé de former opposition à contrainte via une lettre recommandée avec accusé réception et d’en conserver une copie. Si l’huissier venait à poursuivre l’opération de recouvrement (via une saisie sur vos comptes par exemple), il vous faudra prouver que vous avez saisi le tribunal pour suspendre ses actions. o Une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut être utile de tenter de régulariser la situation avec l’URSSAF en parallèle de la procédure d’opposition à contrainte afin de faire avancer la situation plus rapidement. o Une contrainte délivrée par l’URSSAF s’inscrit souvent dans une situation de conflit plus large avec l’organisme. Les délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations sociales sont facilement prorogeables et des sommes, mêmes très anciennes, peuvent peut-être encore vous être réclamées. Afin d’éviter d’aggraver la situation, par les majorations de retard notamment, il est vraiment préférable d’opter pour une stratégie d’assainissement en procédant à un examen global de celle-ci. Plus vous repoussez les échéances, moins vous avez de chances, à terme, d’obtenir des remises de pénalités ou des délais de paiement si nécessaire. Droit applicable : Articles L244-9 et suivants du code de la sécurité sociale Articles R133-3 et suivants du code de la sécurité sociale Cour de cassation, chambre civile 1, 28 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-29776
Entrepreneur face à l'administration
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Mettez un terme à vos difficultés avec les organismes sociaux (URSSAF, CARMF, MSA, CIPAV…)
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 02 févr., 2021
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 15 janv., 2021
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 31 déc., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Droit des fonctionnaires
par Cabinet ATHON-PEREZ 15 déc., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Protection sociale des fonctionnaires
par websitebuilder 01 déc., 2020
Décryptage des modifications opérées en matière de protection sociale des fonctionnaires par l'ordonnance du 25 novembre 2020.
Droit des fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 30 nov., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Plus d'articles...
Share by: