Mise en page du blog

Bénéficiaires de prestations sociales : le Droit à l’erreur et le Droit de rectification en cas d’indu.

Perrine Athon-Perez • juil. 29, 2019

Un an après la loi ESSOC (loi n°2018-727 du 10 août 2018 pour une État au service d’une société de confiance) qui a rendu légal le fameux « droit à l’erreur », une ordonnance vient encadrer le « droit de rectification ».

Le contentieux des aides sociales révèle la grande difficulté de nombreux allocataires de déclarer correctement leur situation à la CAF. Il est en effet encore beaucoup trop fréquent que des personnes qui reçoivent des aides sociales, le RSA en première position, se voient réclamer leur remboursement, parfois sur 5 ans en arrière, au motif qu’elles ont mal informé la CAF à propos de leurs ressources ou de leur situation familiale, et ce alors qu’elles sont de bonne foi. C’est par exemple le cas du bénéficiaire du RSA qui ne sait pas que l’aide d’un proche pour payer son loyer est à déclarer en tant que ressource. Et ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres...
beneficiaire des prestations sociales: le droit à l'erreur
En août 2018, la loi ESSOC est venu ériger en principe le Droit à l’erreur au bénéfice des allocataires de prestations sociales. Elle a modifié le Code des relations entre le public et l’administration en créant l’article L. 123-1 dont les termes sont les suivants :
« Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l’objet, de la part de l’administration, d’une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d’une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l’administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. »

Malgré le battage médiatique concernant le droit à l’erreur qui avait fait naître de grands espoirs chez les allocataires poursuivis par la CAF pour le remboursement des aides, une rapide lecture de la loi nous avait déjà permis de constater que le législateur avait assis une -vaste- hypothèse permettant à la CAF de ne pas appliquer le Droit à l’erreur : celle où le bénéficiaire poursuivi est de mauvaise foi.

Et l’article L. 123-2 du même code de préciser : « Est de mauvaise foi, au sens du présent titre, toute personne ayant délibérément méconnu une règle applicable à sa situation. 
En cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi et de la fraude incombe à l’Administration. »

Nous n’avons pas encore assez de recul pour connaître l’application que feront les juges de ce renversement de la charge de la preuve de la mauvaise foi.

Outre l’insertion du Droit à l’erreur, la loi ESSOC est venue ouvrir une autre possibilité aux bénéficiaires d’allocations sociales à qui la CAF demande le remboursement d’un indu de prestations : le Droit de rectification.

C’est l’article 37 de la loi qui en a posé le cadre : 
« le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnances, dans un délai de douze mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi et visant à :
1° Permettre aux bénéficiaires des prestations sociales et des minima sociaux d’exercer, à l’occasion de la notification des indus qui leur est faite et préalablement à l’engagement d’un recouvrement ou d’un recours gracieux, un droit de rectification des informations les concernant lorsque ces informations ont une incidence sur le montant de ces indus ;
2° Harmoniser et modifier les règles relatives au contenu des notifications d’indus afin d’y inclure la possibilité d’exercer le droit à rectification mentionné au 1° et d’en faciliter la compréhension par les bénéficiaires.
Ces mesures ne peuvent faire obstacle à ce que, après l’exercice du droit de rectification, les sommes indues soient ensuite recouvrées dans les délais et selon les procédures prévus par les dispositions en vigueur. »

C’est donc en application de l’article 37 que paraît, à quelques jours de l’échéance prévue par la loi, une ordonnance [1] concernant le Droit de rectification.

L’ordonnance facilite le recouvrement des indus et, en cas d’exercice du Droit de rectification, incite les caisses à apporter une réponse explicite dans des délais rapides à l’allocataire ou à l’assuré.

Désormais :

a - L’indu peut être mis en recouvrement dès l’expiration du délai de demande de rectification (délai de vingt jours) lorsque l’assuré n’a pas, à cette date, déposé une telle demande de rectification - ce qui, bien entendu, ne le prive pas de la possibilité de saisir la commission de recours amiable (ou le Président du Conseil Départemental en cas d’indu RSA).

b - Si l’assuré a déposé une demande de rectification dans le délai imparti (vingt jours), deux hypothèses sont alors envisagées :

la CAF (ou toute autre caisse de sécurité sociale) n’a pas statué dans le délai d’un mois suivant la demande du débiteur, cette absence de réponse vaut décision implicite de rejet. L’indu ne peut alors être mis en recouvrement avant un délai de deux mois suivant la décision implicite de rejet ;
la CAF (ou toute autre caisse de sécurité sociale) statue sur la demande de rectification avant l’expiration du délai d’un mois valant décision implicite de rejet, l’indu subsistant peut être mis en recouvrement sans plus attendre.
D’ après le rapport au Président de la République présentant cette ordonnance, "La conjugaison de ces différentes mesures garantit l’esprit de la loi du 10 août 2018 en permettant à la fois aux caisses de récupérer plus rapidement les prestations indûment versées et aux assurés de se libérer également plus rapidement de leur dette, sans pour autant priver ces derniers de la possibilité d’exercer un recours amiable".

Ce n’est pas faux. Mais, l’existence de délais distincts et d’hypothèses d’analyse qu’il convient de croiser pour en faire une bonne compréhension, laisse surtout craindre que l’exercice effectif du droit de rectification soit en pratique bien peu effectif.

Il sera précisé que l’ordonnance prévoir une entrée en vigueur de ces dispositions entre le 1er janvier et le 1er juillet 2020.

Dans tous les cas, et malgré les évolutions législatives censées les protéger contre l’information souvent trop partielle délivrée par la CAF, les allocataires recevant une décision leur réclamant le remboursement d’indu RSA, APL ou autres allocations familiales, devront être encore plus rigoureux qu’avant pour protéger leurs moyens de défense. Qu’il s’agisse de l’obligation qui incombe à la CAF de motiver ses décisions, du Droit à l’erreur ou du Droit de rectification du montant de la dette, les allocataires ont intérêt à être réactif et à formuler les demandes utiles dans les divers délais -courts- imposés par la loi.

Sans quoi, ils ne pourront plus se prévaloir de ces garanties devant le juge (Tribunal administratif ou Pôle social du Tribunal de Grande Instance) dans le cadre de recours contentieux.
par Perrine Athon-Perez 22 mars, 2024
Dans la vie de l’entreprise ou du travailleur indépendant, il est fréquent de devoir fournir à ses clients une attestation de vigilance. En principe, celui-ci est obligé de la demander à son prestataire lors de la conclusion du contrat puis tous les 6 mois jusqu’à la fin de son exécution. On rappellera, à toutes fins utiles que cette obligation s’impose pour tout contrat d’un montant minimum de 5 000 €HT qui porte sur l’exécution d’un travail, la fourniture d’une prestation de services ou l’accomplissement d’un acte de commerce (contrats de production, de fabrication, de transformation, de réparation, de construction, de fourniture, de vente, de travaux agricoles, de prestations de services, matérielles, intellectuelles ou artistiques, de transport, de sous-traitance industrielle ou de travaux). On le sait, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) est en litige avec l’URSSAF, il est fréquent qu’elle (il) se voit opposer par la Caisse un refus de délivrer une attestation de vigilance . Or cette situation n’est pas toujours normale . Trop d’entrepreneur l’ignorent mais le code de la sécurité sociale prévoit que l’URSSAF est tenue de délivrer l’attestation, même lorsqu’il y a un arriéré de cotisations non payées, dès lors que l’entreprise (ou le travailleur indépendant) en conteste le montant par recours contentieux. En somme, lorsque l’intéressé a porté son litige devant une juridiction, l’URSSAF n’a pas le droit de lui refuser la délivrance de l’attestation. Attention , il faut quand même prendre en compte deux points : Pour que l’attestation puisse être délivrée en cas d’impayé de cotisations, il faut que l’ensemble des cotisations impayées fasse l’objet d’un recours, et pas seulement une partie. Par ailleurs, lorsque l’entreprise (ou le travailleur indépendant) a fait l’objet d’une verbalisation pour travail dissimulé transmise au procureur de la République, l’attestation ne peut être délivrée tant qu’elle (il) n’a pas payé les cotisations et contributions dues suite au chiffrage résultant de la verbalisation pour travail dissimulé. Conseils : En cas de refus d’attestation de vigilance, il est vivement recommandé de demander au préalable à l’URSSAF le motif de ce refus. Il est en effet rarement donné d’emblée. Si l’URSSAF ne défère pas à cette demande de motivation ou s’il s’avère que le refus est motivé par des cotisations impayées discutées devant un tribunal judiciaire, il est possible de contester la décision de l’URSSAF en formulant un recours écrit qui peut être envoyé par lettre recommandé avec accusé de réception et/ou via l’espace en ligne de l’URSSAF. Enfin si l’URSSAF persiste à refuser de délivrer l’attestation, le recours peut être porté devant le tribunal judiciaire en ajoutant éventuellement une demande de dommages et intérêts pour le préjudice subi du fait du refus illégal. Attention, avant de saisir le Tribunal, il peut être utile de prendre conseil auprès d’un avocat pour vérifier les chances de succès de l’action et les modalités du montage du dossier. Droit applicable : Articles L243-15 du code de la sécurité sociale
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Si un huissier vous a signifié une contrainte délivrée par l’URSSAF ou par un organisme social, vous devez réagir très vite. En effet, en cas de contestation de la somme réclamée dans la contrainte, vous disposez d’un délai de 15 jours pour faire le nécessaire. Dans ce délai, vous devrez : - Vérifier si la somme réclamée est fondée et suffisamment expliquée par la caisse. - Vérifier si, préalablement à la contrainte, l’URSSAF ou l’organisme de sécurité sociale vous a adressé une mise en demeure. - Vérifier si les cotisations réclamées ne sont pas prescrites. Si, vous décelez une ou plusieurs anomalies (d’après la liste énumérée ci-avant), vous avez tout intérêt à former une opposition à la contrainte. Cette démarche consiste à saisir le pôle social du tribunal judiciaire dont vous dépendez (en principe il est indiqué sur le courrier que l’huissier vous a remis) d’un acte de contestation de la contrainte. Une fois saisi, le recouvrement de la dette est suspendu jusqu’au jugement que rendra le tribunal judiciaire. Attention : l’opposition à contrainte doit être motivée sinon elle est irrecevable. Également, il faut bien penser à joindre une copie de l’acte remis par l’huissier. Conseils : o Il est vivement recommandé de former opposition à contrainte via une lettre recommandée avec accusé réception et d’en conserver une copie. Si l’huissier venait à poursuivre l’opération de recouvrement (via une saisie sur vos comptes par exemple), il vous faudra prouver que vous avez saisi le tribunal pour suspendre ses actions. o Une procédure devant le pôle social du tribunal judiciaire peut durer plusieurs mois voire plusieurs années. Dans certains cas, il peut être utile de tenter de régulariser la situation avec l’URSSAF en parallèle de la procédure d’opposition à contrainte afin de faire avancer la situation plus rapidement. o Une contrainte délivrée par l’URSSAF s’inscrit souvent dans une situation de conflit plus large avec l’organisme. Les délais de prescription en matière de recouvrement de cotisations sociales sont facilement prorogeables et des sommes, mêmes très anciennes, peuvent peut-être encore vous être réclamées. Afin d’éviter d’aggraver la situation, par les majorations de retard notamment, il est vraiment préférable d’opter pour une stratégie d’assainissement en procédant à un examen global de celle-ci. Plus vous repoussez les échéances, moins vous avez de chances, à terme, d’obtenir des remises de pénalités ou des délais de paiement si nécessaire. Droit applicable : Articles L244-9 et suivants du code de la sécurité sociale Articles R133-3 et suivants du code de la sécurité sociale Cour de cassation, chambre civile 1, 28 septembre 2016, N° de pourvoi: 14-29776
Entrepreneur face à l'administration
par Perrine Athon-Perez 28 févr., 2024
Mettez un terme à vos difficultés avec les organismes sociaux (URSSAF, CARMF, MSA, CIPAV…)
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 02 févr., 2021
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 15 janv., 2021
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 31 déc., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Droit des fonctionnaires
par Cabinet ATHON-PEREZ 15 déc., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Protection sociale des fonctionnaires
par websitebuilder 01 déc., 2020
Décryptage des modifications opérées en matière de protection sociale des fonctionnaires par l'ordonnance du 25 novembre 2020.
Droit des fonctionnaires.
par Cabinet ATHON-PEREZ 30 nov., 2020
La jurisprudence et l'actualité du droit pour les fonctionnaires.
Plus d'articles...
Share by: